» Sans aucun doute lorsque l'on commence à s'ennuyer, c'est que la monotonie s'installe. Tout d'abord elle arrive, rentre sans demander la permission, comme si c'était chez elle. Puis, elle s'assoie tranquillement, et croit pouvoir s'éterniser. On la chasse par divers moyens. Mais tous échouent, car un soir en rentrant on va la retrouver, assise à la même place, nous regardant avec un sourire en coin. C'est au fur et à mesure qu'elle va finir par s'installer complètement, s'immiscer dans notre vie, jusqu'à dormir dans notre lit. Et nous on va la regarder sans rien faire, sans rien dire... ©
Mais parfois, certains refusent et s'obstinent. Et le seul moyen d'éviter cet ennui et d'y remédier vite fait, bien fait... Avant qu'elle rentre sans toquer, ne serais-ce que sur le seuil de notre porte. Eclat d'Or faisait parti de ceux-là, de cette catégorie d'être vivant qui s'oppose avec fougue à cette monotonie. Cruelle vie que celle de quelqu'un qui répète sans cesse les mêmes gestes... Elle qui a toujours rêvée d'aventures excitantes et dangereuses ne pourrait se résoudre à une vie sans dangers et sans soubresauts imprévisibles...
Ce matin, en ouvrant ses paupières, la jeune lieutenante porte un nouveau regard sur le monde. En s'étirant, elle se rend compte que la vie lui parait trop facile là, et qu'il lui faut quelque chose pour la rendre compliqué. Sortant de l'antre, Eclat d'Or fut agressée par un vent glacial. Plissant les yeux pour éviter de les geler, elle courba l'échine et trotta jusqu'à la sortie du campement de roseaux. C'était un temps à faire un tour par les Rochers du Soleil. Elle s'imaginait déjà cachée au creux des rochers sans ce vent du nord. Trottinant d'un pas énergique pour se réchauffer, la petite chatte se dit qu'il serait bien d'aller chercher quelques proies également, histoire de revigorer le clan... Son clan. Un frisson lui parcourut le corps, de la queue jusqu'à la tête.
Elle arriva alors au Rochers. Prenant le galop, Éclat d'Or alla vite se réfugier dans les rochers, et poussa un soupir de soulagement lorsqu'elle se sentit à l'abri du vent. En fait, le vent mis à part, il ne faisait pas si froid. Accroupie ainsi, elle se sentait un peu ridicule mais savait que personne ne se risquerai à lui en faire la réflexion, à part sûrement sa chef Étoile Secrète... Baillant à demi, elle se refusa à se laisser gagner par le sommeil et, prenant son courage à deux pattes, affronta le vent gelant. Son ouïe perçut le pou régulier d'un petit rongeur. Son corps se détendit, ses yeux se fermèrent à demi pour percevoir avec claireté d'où venait ce son et où se trouvait la proie. A pas de loup alors, légère et souple, la jeune lieutenante entreprit sa chasse. Elle était la redoutable, le rongeur la misérable. Qui ne put résister entre ses griffes. Elle acheva ses souffrances dans la seconde qui suivit. Ramenant la proie près des rochers, elle se mit encore à l'abri. Soudain, ses oreilles se pointèrent. Elle entendait un bruit de course pourtant très discret. Elle le sentait surtout, les vibrations du sol l'indiquaient. S'asseyant majestueusement en enroulant sa queue claire autour de ses pattes avant, elle attendit, aux aguets.

Eclat d'Or reconnut sa guérisseuse par l'odorat, juste avant de la voir. Elle sortit des fourrées d'un pas rapide et enjouée. Les moustaches de la rouquine s'agitèrent quand elle la vit, un petit mouvement embarrassé mais également joyeux. En effet, elle la savait âgée mais d'une sagesse sans pareille. Elle ne la connaissait pas vraiment, pas en profondeur en tout cas.. Elle vouait toujours un certain respect jaloux, ou plutôt gêné envers les guérisseurs. Soignant les blessures, voire sauvant des vies, ces derniers donnait l'impression d'un pouvoir supérieur. Savoir qu'elle devait la vie ou un maux à quelqu'un la gênait, sans pour autant transformer ce sentiment en désapprobation. Cendre de Phénix prit la parole en premier, en s'inclinant, ce qui flatta l'égo de la lieutenante, évidemment:


« Bonjour, Éclat d'Or. Belle matinée pour chasser, hein ? »


N'ayant pas l'habitude de s'incliner, Eclat d'Or hocha la tête bien bas, mais se trouva maladroite. Son salut sembla insolent mais il n'était pas voulu. Elle lui répondit en fixant ses yeux dans son beau regard bleu, d'une voix calme et posé, ne trahissant aucun sentiment:

« Oui, en effet. Le froid glace cependant. Et toi, que fais-tu? Des provisions pour l'hiver je devine? »

L'odeur des plantes, racines, baies ou quoi que ce soit d'autres émanait effectivement de la petite chatte noire. Dans un demi sourire, la rousse cilla, et une lueur joyeuse dansa dans ses yeux. Elle était de bonne humeur. Une brise balaya alors son pelage, et elle réprima tant bien que de mal un frisson.

« C'est un temps à attraper froid. Tu n'as pas trop de problèmes niveau patient je l'espère? »

En ce moment, le temps était changeant. C'était très curieux, on ne savait pas vraiment où se mettre. Il y avait toujours ce petit vent frisquet, mais un soleil brillait cependant l'après midi. Ces changements climatiques avait pour cause de déstabiliser la plupart des chats. Les chatons et apprentis plus particulièrement étaient touchés. Pour Eclat d'Or c'était un sorte de test. Les plus forts survivaient, les plus faibles non. Bien qu'il n'ai pas beaucoup de portée maintenant, le clan de la rivière avait subit l'hiver dernier une grosse épidémie de rhume, et Eclat d'Or s'en préoccupait légèrement. C'est pourquoi elle posait la question. Car il ne fallait pas négliger les petits et apprentis, après tout c'était la future génération, les futurs guerriers, lieutenant, ou chef. Mais le temps ne favorisait pas le développement de ces adorables créatures. C'était dommage mais, même si elle n'oserait pas le dire devant Cendre de Phénix, au moins le clan de trainerait pas les faibles êtres car, qui ne résiste pas au temps climatique, ne résiste pas au temps temporel...

« Oui, bientôt le froid aura détruit tous mes plants. »

La petite couleur or grimaça quand Cendre de Phénix lui répondit ceci. Plus de plants signifiait plus de remèdes, et plus de remèdes signifiait des malades. Avec un peu de mal chance, l'état des malades empirerait alors créant des épidémies fortes dévastatrices... Tout cela n'était que partir loin dans son imagination, mais un tiers de ce que l'on imagine a lieu, et parfois même, rarement mais ça arrive tout ce que l'on imagine a lieu... ce serait une belle catastrophe. Secouant la tête pour enlever ces terribles pensées, et ces images d'un faible clan de la rivière face à ses ennemis, Éclat d'Or lui proposa:

« Peut-être aurais-tu besoin d'aide? »

L'aide pour ramasser les plantes, herbes médicinales ou autres était toujours la bienvenue. La plupart du temps, on envoyait les apprentis faire ce genre de besogne, surtout Éclat d'Or, qui aimait les voir s'en aller en grognant et en marmonnant qu'il voulait être guerrier pas guérisseur. Ce genre de réaction l'incitait à leur donner plus de travail pénible à faire, pour les habituer à être des durs à cuire, capable de tout faire, tout en un. Plus tard, ils feront ce qu'ils voudront exactement faire, mais maintenant, la connaissance dans d'autres domaines que le combat ou la chasse était utile à apprendre. Ils étaient dans leur période où ils assimilaient vite, il fallait en profiter avant qu'ils deviennent des bons à rien.. Elle allait les éduquer ces petits.. Mais aujourd'hui, l'aide qu'elle proposait était la sienne, elle voulait mettre la main à la pâte pour une fois. Apprentie elle avait fait ça, et elle faisait faire ça aux apprentis. Pour justement qu'ils continuent à le faire plus tard. Elle se devait de continuer à le faire.

« Non ça va. Tout le monde va bien pour le moment, mais quand le mal vert se déclarera, j'aurais besoin de tout le nécessaire pour agir vite. »

Éclat d'Or hocha la tête rigoureusement.

« Bien sûr. Nous serons tous avec toi, tu es la sauveuse des maladies, nous serons tes humbles serviteurs dans ce domaine là. L'idéal serait que tu trouves un apprenti... »

Cela faisait longtemps que le clan de la rivière n'avait pas accueillit plusieurs chats avec des connaissances en guérison. Après la mort de l'ancienne guérisseuse, mentor de Cendre de Phénix, la guérisseuse d'encore avant qui avait rejoint les anciens, pour cause de vieillesse, avait péri sous les griffes ennemis. Malheureusement, aucuns des chatons des nouvelles portées ne semblaient attiré par le fait d'être guérisseur de clan. Enfin après tout, ce n'était peut-être qu'une impression...


« Et toi ? Tu aimes bien ton rang de lieutenante ? »

Éclat d'Or sursauta. Cette question la surprit. Et la surprise fut telle qu'elle se renferma sur elle-même telle une huitre. Son regard changea, d'amical il devint suspicieux. Lunatique et impulsive comme elle est, il ne fallait pas s'étonner... Quand elle répondit, son ton était brusque et sec:


« Bien sûr. C'est une lourde tâche et mes épaules fléchissent sous les responsabilités mais oui, il me plait. »

Les yeux de la lieutenante se réduire alors à deux fentes, et elle observa la guérisseuse. Dans ses yeux bleu très clairs brillaient la malice et l'intelligence. Son pelage sombre de couleur ébène contrastait beaucoup avec celui de la lieutenante, et cela créait une sorte de clair-obscur très joli. Le vent glacial ébouriffait leur fourrure qui voletait ensemble. A peu près de même taille, ce qui était quand même assez rare, les deux avaient la même silhouette et le même poil court. Redressant son dos, Eclat d'Or déjà postée très fièrement comme toujours, accentua son air majestueux par une pointe de défi: elle releva le menton haut.