Partie 1 : Mirage Fatal.
Comment a-t-elle pu croire à ces débilités que l'on sort juste quand on aime, à ces foutus promesses qui ne veulent strictement rien dire ? Ce sont juste des mots alignés pour former une putain de phrase qui vous fait croire au bonheur. Seulement, le bonheur est éphémère. Tout comme l'amour.
Mirage Fatal aurait put avoir tout pour être heureuse. C'était une jolie guerrière pleine de talent, fille de deux guerriers du clan de la Rivière appréciés de tous. Sa mère n'était autre que la lieutenante du clan à l'époque. Rien que ça. Seulement voilà, apparemment vivre au pays des bisounours ne la tentait guère puisqu'elle a, en un sens, cherché la difficulté. Elle avait alors une vingtaine de lunes et malgré tous les prétendants du clan qui se présentaient à elle, aucun ne lui convenait vraiment, elle n'avait jamais eut ce petit pincement au cœur significatif pour un des mâles. Un beau matin, partie pour une petite partie de chasse en solitaire, elle décida d'aller se promener un peu plus loin que les territoires de son clan, dans un des territoires neutres. Elle trottinait gaiement parmi les herbes folles lorsqu'elle butta dans un corps et manqua de peu de s'étaler. D'abord inquiète d'avoir trébucher sur un corps inerte, elle s'approcha et fourra son museau dans le pelage du mâle qui n'était autre qu'un guerrier du clan de l'Ombre. Le matou grogna et Mirage Fatal eut un mouvement de recul. L'individu n'était en aucun cas en train d'agoniser, il s'était simplement endormi, visiblement à la recherche d'un peu de tranquillité. La guerrier se redressa vivement sur ses pattes en lui lançant un regard mauvais. La chatte lui lança un regard neutre avant de s'asseoir en enroulant la queue autour de ses pattes. On avait toujours dit d'elle qu'elle avait un sang-froid à tout épreuve et on l'appréciait aussi pour son caractère placide ce qui ne devait pas être le cas du guerrier qui lui faisait face.
« Désolé. » Miaula-t-elle sans de départir de son calme.
Le matou sembla un peu pris au dépourvu et se contenta de grommeler.
« Hmm. Ce n'est rien. Que fait par ici une chatte du clan de la Rivière ? Ton territoire est à l'opposé ! »
« Je ne penses pas que ça te regarde mais j'avais besoin de mettre un peu d'espace entre moi et mon clan, je cherchais seulement à me promener tranquillement. Au fait, moi c'est Mirage Fatal. » Lança-t-elle sur le ton de la conversation. Elle n'aimait pas avoir des ennemis, qu'ils soient ou non de son clan même si elle n'hésiterait pas une seule seconde à se battre avec eux le cas échéant.
« Je m'appelle Murmure Éternel. » Lâcha-t-il.
Et Mirage Fatal enchaîna. Murmure Éternel se déridant peu à peu, leur discussion dura un peu plus longtemps que nécessaire. En rentrant au camp, sans vraiment s'en rendre compte, la guerrière avait le cœur en joie. Allez savoir pourquoi.
Quelques jours passèrent puis, sans vraiment qu'elle ne s'en rende compte, les pattes de Mirage la menèrent à ce même endroit où Murmure Éternel se trouvait déjà d'ailleurs. Au fil du temps ils prirent l'habitude se retrouver là-bas et de passer du temps ensemble à discuter. Une très forte amitié naquit puis au fil du temps l'amitié se transforma en amour et avec toute cette histoire, Mirage Fatal se retrouva pleine. A son grand malheur.
Sitôt qu'elle prit conscience du fait qu'elle était bel et bien enceinte de Murmure Éternel, elle s'arrangea pour le revoir rapidement. Ils se retrouvèrent peu après. Mirage Fatal lui dit ce qu'il se passait dans un souffle. Elle ne savait vraiment pas quoi faire. La réaction de Murmure Éternel la choqua profondément. Il ne voulait pas, sous aucun prétexte que quelqu'un sache qu'il avait trahit son clan et que ces petits étaient les siens, il voulait rester en dehors de ça, sans se mouiller. Son clan passait avant elle. Elle le regarda une dernière fois, les yeux embués de larmes et tourna les talons, partant sans se retourner. Lorsqu'elle fut certaine qu'il ne pouvait plus la voir, elle se mit à courir, courir jusqu'à plus d'air, jusqu'à ce que la tête lui tourne. Elle s'arrêta, se laissa tomber dans l'herbe et pleura.
Après une nuit telle que celle qu'elle avait passé en dehors du camp, elle avait eut le temps de réfléchir longuement. Elle ne pouvait pas abandonner les chatons qui étaient dans son ventre. Ce serait la seule chose qu'il lui restait de son amour perdu. Elle alla trouver Feuille de Lierre, son meilleur ami. Elle lui expliqua la situation de A à Z. Elle savait qu'elle pouvait avoir confiance en lui. Le regard qu'il posait sur elle n'avait pas changé, elle n'avait pas baissé dans son estime ou alors il ne le montrait pas. Il se contenta de presser son museau contre le sien sans rien dire. Il ne lui en fallut pas plus pour pleurer. Lorsque ses larmes séchèrent elle lui demanda quelque chose que n'importe qui aurait refusé. Elle lui demanda de faire croire au camp et à ses chatons qu'il était leur père de façon à que ses chatons ne vivent pas comme des sangs mêlés reniés de tous. Le fait de faire croire cela, l'empêcherait un bon moment d'avoir une compagne et elle comprendrait s'il disait non. Mais à sa grande surprise, Feuille de Lierre accepta. Quelque temps après, Mirage Fatal mit bas, et son meilleur ami fut là pour jouer le rôle du compagnon ravi, le mensonge passa inaperçu et personne ne se douta de rien.
Partie 2 : Le début d'une vie : Patte Illusoire.
Trois chatons furent mis au monde. Deux mâles et une femelle, les deux premiers furent appelés Boule du Soir et Patte Mélancolique et la petite troisième fut nommée Patte Illusoire. Mirage Fatal décida de ne pas leur dire tout de suite la vérité sur leur père et les chatons eurent un début de vie dans la joie et la bonne humeur. Les trois boules de poils s'entendaient à merveille quand il s'agissait de faire des bêtises et d'embêter les guerriers. La meneuse de la petite troupe ? Patte Illusoire, bien sûr. Elle était une femelle et la petite dernière mais ça ne l'empêchait pas d'entrainer ses frères dans des escapades pour le moins interdites. Un jour, la petite chatte tigrée regroupa ses deux frères dans un coin de la pouponnière.
« Que diriez-vous de sortir se promener ? » Murmura-t-elle.
« Mais Patte Illusoire ! Tu sais bien qu'on a pas le droit et en plus il fait nuit maintenant ! » Lâcha Patte Mélancolique en se dandinant d'une patte sur l'autre.
Patte Illusoire poussa un soupir exaspéré.
« C'est bon, j'en ai marre de rester coincée ici ! Faut partir à l'aventure un peu ! Et puis au pire on dira qu'on savait pas … »
Elle lança un regard à Boule du Soir, cherchant son soutient, un soutient qu'il lui donnait toujours.
« Ouais ça pourrait être bien ! On pourrait chasser et ramener du gibier au camp ! Tout le monde serait fier de nous ! »
« Alors, nous irons quand maman dormira. Tu nous suis Patte Mélancolique ? »
Ce dernier grommela mais acquiesça tout de même. Une fois de plus Patte Illusoire avait imposé ses choix. Il retournèrent au près de Mirage Fatal, impatients de la voir s'endormir.
Ils se pelotonnèrent contre leur mère qui ne tarda pas à rejoindre le pays des rêves. Patte Illusoire se leva et entraina ses frères hors de la pouponnière. Un guerrier guettait l'entrée du camp mais les trois rejetons avaient déjà repéré auparavant une sortir discrète derrière la pouponnière. Il contournèrent donc la pouponnière et se retrouvèrent devant un petit trou juste assez grand pour laisser passer des petits chatons comme eux. Patte Illusoire se faufila dedans la première, suivie de près par ses deux frères. Ils émergèrent parmi les buissons et s'émerveillèrent de ces odeurs nouvelles et du vaste espace qui s'offraient à eux. Ils coururent et fouinèrent un peu partout, tantôt trébuchant tantôt jouant ensemble. Leur escapade les menèrent aux chutes. Patte Illusoire s'approcha du bord et regarda en bas.
« Et bin ça alors ! C'est merveilleux ! » Se réjoui-t-elle.
Ses frères s'approchèrent et firent de même. Mais Patte Mélancolique qui avait toujours été maladroit glissa et se retrouva pendu dans le vide avec seulement ses griffes plantés dans la terre pour se retenir de tomber et de subir une mort certaine. Il poussait des petits cris, sa patte glissait petit à petit. Patte Illusoire poussa un cri terrifié et bondit vers son frère essayant de le retenir. Boule du Soir vint à sa rescousse, en attrapant Patte Illusoire par derrière pour la tirer aussi. Seulement, Patte Mélancolique était le plus lourd des trois, et malgré leurs efforts, le terrain était glissant et Patte Illusoire et Boule du Soir glissaient dangereusement vers le bord. Patte Illusoire put apercevoir le visage triste et apeuré de Patte Mélancolique.
« Patte Illusoire, lâche moi maintenant ! Sinon nous allons mourir tous les trois ! »
Celle-ci secoua la tête. Elle ne pouvait se résoudre à lâcher son frère qu'elle avait elle-même entrainer ici. Elle n'était maintenant plus qu'à un poil du rebord et Patte Mélancolique pendait dans le vide. Elle-même allait bientôt le rejoindre et Boule du Soir serait alors seul pour les retenir tous les deux, ce qu'il ne pourrait bien entendu pas faire plus d'une seconde, il glisserait à son tour et ils périraient tous les trois dans les chutes. On les avait pourtant mainte et mainte fois avertis sur le danger de cet endroit mais comme d'habitude ils n'en avaient fait qu'à leur tête. Devant l'imminence de la situation, Patte Illusoire se rendit compte qu'elle n'avait pas le choix si elle voulait au moins éviter une mort certaine à Boule du Soir. Elle fit quelque chose qu'elle regrettera toute sa vie. Elle lâcha Patte Mélancolique qui chuta pour retomber dans l'eau déchaîné beaucoup plus bas. Patte Illusoire ne le vit pas émerger de l'eau, elle ne le reverrait jamais. Il était mort maintenant, rien n'était plus sûr. Elle se recula du bord et se laissa tomber sur le sol humide, ses pattes ne la portaient plus. Boule du Soir posait un regard horrifié et aussi peiné qu'elle sur elle. Ils se collèrent l'un contre l'autre et pleurèrent toutes les larmes de leur corps.
Une patrouille du clan les retrouva le lendemain matin profondément choqués. On les ramena au camp et leur mère s'occupa d'eux malgré sa détresse en apprenant la mort d'un de ses chatons. Ils se furent longuement morigénés par tout le clan. Cette bêtise était impardonnable et avait coûté la vie à un chat.
« N'avez-vous jamais eu ce sentiment là ?
Celui d'être incomprise, seule contre le monde entier, seule contre tous, parce que personne ne peux comprendre réellement qui vous êtes, & pourquoi...
Celui d'avoir passé une journée de plus encore dans ce monde, d'attendre le bonheur, d'essayer de garder espoir, d'apercevoir la chance, puis la regarder partir quelques heures après.
Celui de sentir que votre regard n'exprime plus rien, juste la peur de cet avenir qui se rapproche toutes les secondes... »
Le temps passa et bientôt Patte Illusoire et Boule du Soir atteignirent l'âge de six lunes. Avec leur passage au rang d'apprenti ils devraient apprendre à tourner la page, c'était le début d'une nouvelle vie. D'une nouvelle vie d'ailleurs pleine de surprise ... Et si tout ce qu'on leur avait raconté jusque là était faux ? Et si leur mère était elle aussi leur mère adoptive ? Après tout il n'y avait jamais eut aucune ressemblance frappante avec elle ... Et si leur deux parents n'étaient tout simplement pas du clan ?